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Sciences -Histoire de l'Humanité /
Sciences -Humanity History



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-> Evolution morphologique et culturelle des hominidés
---> Cro-Magnon
---> "Civilisation"
-> Les périodes préhistoriques
-> Quand le singe est-il devenu homme ?
-> La naissance du sacré au Proche-Orient
-> Les grottes ornées en Europe
-> Epreuves de notre société
-> Quatre niveaux de performance cérébrale
-> Talking with Meave Leakey
-> Neandertal - Le deuxième homme
-> L'homme de Flores - Le troisième homme
-> L'homme de la Solo - Le quatrième homme
-> Récapitulatif hommes
-> Les Celtes
---> ce que nous devons aux Celtes   Le destin des Celtes : histoire et déclin
---> Les indigènes d'Occident
---> L'énigme indo-européenne
---> La Gaule est une création de César
---> Les sites Celtes en France
---> Les musées Celtes en France
-> Les Huns d'Attila
-> Les spécialistes
-> Les dates (1947-2007)

 



  -> Les indigènes d'Occident :
(inspiré de Patrick Jean-Baptiste dans Sciences & Avenir n°662 Avril 2002 p.58)
  Les sites Celtes en France

  • Ribemont-sur-Ancre, Somme
  • La Chaussée-Tirancourt, Somme
  • Gournay-sur-Aronde, Oise
  • Vernon, Eure
  • Acy-Romance, Ardennes
  • Vix, Côte-d'Or
  • Alise-Sainte-Reine, Côte-d'Or
  • Mont-Beuvray, Nièvre
  • Plouay, Morbihan
  • Paule, Côtes-d'Armor
  • Naintré, Vienne
  • Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône
  • Saint-Mitre-les-Remparts, Bouches-du-Rhône
  • Martigues, Bouches-du-Rhône
  • Lattes, Hérault
  • Nages-et-Solorgues, Gard



      Les musées Celtes en France

  • Saint-Germain-en-Laye, Yvelines
    www.culture.fr/culture/man/man1.htm
  • Colmar, 68
    www.musee-unterlinden.com
  • Strasbourg, 67
    www.musees-strasbourg.org
  • Châtillon-sur-Seine, Côte-d'Or
  • Dijon, Côte-d'Or
  • Bourges, 18
  • Mont-Beuvray, 58
    www.bibracte.com
  • Nancy, 54
  • Metz, 57
  • Bordeaux, Gironde
  • Penmarch, Finistère
  • Carnac, Morbihan
  • Troyes, 10
  • Epernay, Marne
  • Nemours, Seine-et-Marne
  • Guiry-en-Vexin, Val-d'Oise
  • Boulogne-sur-Mer, Pas-de-Calais
  • Caen, Calvados
  • Rouen, Seine-maritime
  • Beauvais, Oise
  • Compiègne, Oise
  • La question des origines des Celtes, ancêtres attitrés, pour ne pas dire titrés, des Européens de l'Ouest, est l'une des plus controversée qui soit. D'où viennent-ils ? Qui étaient-ils ? Avaient-ils un rapport avec les grands sanctuaires mégalithiques de Bretagne ou de Grande-Bretagne, comme Stonehenge ? Ressemblaient-ils au "Vercingétorix" moustachu de style Napoléon III ?
    Selon les périodes, les idéologies dominantes et l'avancement des fouilles archéologiques, les origines supposées des Celtes ont considérablement varié. D'autant plus qu'il s'agissait de peuples préhistoriques, c'est à dire sans écriture, avant le premier contact qui les mit en relation avec le monde Grec, au VIème siècle av. J.-C. D'une certaine manière, le passé des Celtes est aussi impénétrable dans le détail que celui des Indiens d'Amérique du nord avant l'arrivée des Européens.
    Tout d'abord d'où leur vient leur nom ? Il apparaît au moment de la fondation de Massilia (fondée vers 600 av. J.-C.). Les Grecs phocéens appellent alors Keltoi les autochtones vivant au nord de leur ville. Selon les historiens, il pourrait s'agir du nom d'une tribu locale de Barbares. Toutefois, il est douteux qu'à cette époque les Grecs aient eu conscience d'une vaste entité culturelle au-delà du monde connu, c'est à dire en Europe intérieure. Plus tard, Hérodote ou Posidonius, et peut-être d'autres explorateurs Grecs dont la trace s'est perdue, ont fini par circonscrire cette entité, tantôt nommée Celte, tantôt Galate.
    "En fait, il faut attendre le Vème siècle av. J.-C. pour être assuré que les peuples établis au nord des Alpes sont bien des Celtes", précise Patrice Brun, spécialiste des Celtes et directeur de recherche au CNRS, université de Paris-X-Nanterre. C'est à cette époque, en effet, qu'ils commencent à faire parler d'eux en faisant irruption dans la vallée du Pô, dans le nord de l'Italie. Un événement qui marque leur entrée dans l'histoire. Grâce aux Etrusques, qui possèdent un alphabet inspiré du Grec, certains mots celtes sont enfin transcrits. Les rares inscriptions pré-romaines mettront bientôt en évidence un vaste goupe de langues indo-européennes apparentées, répandues à travers toute l'Europe à l'exception du nord et de l'est extrêmes : les langues celtiques dont le galéique, le breton ou le gallois (ou cymrique) sont aujourd'hui les derniers représentants.
    "Au Vème siècle av. J.-C., le monde celtique au nord des Alpes subit une crise générale en partie d'origine climatique -le climat devient plus froid et humide- qui pousse de jeunes chefs guerriers à tenter leur chance en partant vers le sud, poursuit Patrice Brun. Cette époque correspond à l'émergence, dans une vaste région située entre Bourges et la Bohème, d'un style culturel particulier dit de la Thène, en référence au village suisse où les premiers objets de ce type ont été découverts. Cet art celtique se caractérise notamment par des épées de 80 centimètres de longueur, des frises végétales continues et l'adaptation de motifs d'origine méditerranéenne."
    La culture de la Thène dure jusqu'aux invasions romaines. C'est la culture des oppidums (villes fortifiées perchées en haut des collines) et de l'urbanisation-étatisation progressive des tribus gauloises. A partir du IIème siècle av. J.-C., les tribus deviennent de véritables Etats indépendants, les civitates ("cités") dont parle Jules César, avec leur gouvernnement (chef et sénat), leur administration fiscale, leurs institutions religieuses.
    Mais les historiens et les archéologues ne se sont pas arrêtés à cette période et ont creusé plus profond pour atteindre des époques encore plus anciennes. A peu près dans le même espace géographique, ils découvrent un autre style artistique nettement plus ancien, qui remonte à la fin de l'âge du bronze et au début de l'âge du fer européen (de 800 à 480 av. J.-C.), la culture de Hallstatt (localité d'Autriche près de laquelle se trouvaient des mines de sel exploitées à l'âge du fer). C'est une période relativement faste où apparaissent des forteresses imposantes, de vastes chefferies et des tombes en tumulus dotées d'un somptueux mobilier funéraire tels des chars à quatre roues et des bijoux d'importation. Les Keltoi des Grecs marseillais appartenaient à cette culture très riche et néanmoins sous-développée, au sens où nous l'entendons actuellement. En échange de produits manufacturés, de breloques et de bijoux, certains chefs celtes fournissaient matières premières et esclaves "à la façon des roitelets africains à l'époque du commerce triangulaire", dit Patrice Brun.
    La culture de Hallstatt a longtemps été considérée comme le coeur véritable de la civilisation celtique, civilisation qui aurait dérivé d'un vaste mouvement, ou présumé tel, remontant cette fois aux environs de 1350 av. J.-C., et qui aurait concerné pratiquement tout le centre de l'Europe : la culture dite des champs d'urnes. "On a longtemps pensé que cette culture résultait d'une migration en provenance de l'est", ajoute Patrice Brun. Ces fameux champs d'urnes, qui font référence à des urnes funéraires où étaient déposés des restes humains incinérés, sont longtemps passés pour la preuve d'une migration des peuples celtiques depuis les confins orientaux de l'Europe.
    En vertu des théories "migrationistes", qui ont dominé la pensée historique pendant près de deux siècles, le peuplement de l'Europe depuis les plus hautes époques ne pouvait s'expliquer que par les invasions successives de nations d'origine orientale, depuis une zone s'étendant de la mer Noire à la mer Caspienne, berceau perpétuel et bien pratique hérité sans doute des Grecs et des Romains. Les Celtes, comme plus tard les Huns ou les Mongols, auraient donc participé à cette supposée inexorable et récurrente ruée vers l'Ouest. C'est pourquoi l'image du Celte est souvent liée à celle d'un homme de l'âge du fer, un propagateur de ce métal. Une image complètement fausse.
    "En réalité, il n'y a aucune véritable rupture culturelle jusqu'à l'époque du Bronze moyen (1650 av. J.-C.) dans l'espace géographique qui nous intéresse, remarque Patrice Brun. Les variations de rites funéraires - inhumation ou incinération - ne sont pas une preuve de remplacement de populations, mais simplement d'évolutions locales, de changements de "modes" avec, de temps à autre, une accélération des transformations stylistiques. D'ailleurs, la culture des champs d'urnes n'a pas d'antécédent oriental. Les découvertes archéologiques semblent au contraire lui attribuer une origine autochtone. Au bronze moyen émergent des entités territoriales en rapport les unes avec les autres, de vastes réseaux d'échanges qui constituent un grand complexe culturel nord-alpin".
    En outre, les théories migrationistes peinent à expliquer la présence avérée très tôt, à l'ouest de l'Europe, de peuples indéniablement celtiques comme le prouve la toponymie, mais ayant une culture très différente, par exemple, de celle de la Tène. D'où viennent-ils et quand sont-ils apparus ? A moins d'imaginer une migration que l'archéologie n'atteste pas, au contraire, l'existence des Celtes d'Armorique ou d'Espagne (les Celtibères ou Hispano-celtes) est une énigme qui oblige à de sérieuses révisions théoriques. "Une des solutions les plus prometteuses consiste donc à remonter le temps dans l'espoir de découvrir une culture homogène qui recouvrirait toutes les régions occupées par les Celtes, de la Bretagne à l'Europe centrale", observe Patrice Brun.
    Cette culture existe. Elle apparaît dès 2500 av. J.-C. et se caractérise par une forme particulière de poteries, les vases campaniformes, que l'on retrouve aussi bien en Irlande qu'en Hongrie, aux Pays-Bas ou en Espagne. Cette hypothèse de Celtes ou Proto-Celtes du IIIème millénaire av. J.-C. représente une bien sérieuse entorse aux dogmes en vigueur concernant l'arrivée des peuples de langues indo-européennes.
    Vers 2500 av. J.-C., l'usage du cuivre se généralise - les Celtes ne seraient pas des hommes du fer, mais du cuivre -, la roue à rayons est inventée, le cheval devient un animal de trait et un symbole de pouvoir. Ce qui transforme la société et étend considérablement les réseaux d'échange. De plus, s'il s'agit bien de Proto-Celtes, leur lien avec la culture des mégalithes est renouée puisque c'est à cette époque que les grands complexes de Stonehenge en Angleterre ou de Carnac en Bretagne sont érigés. La passion d'Obélix pour les menhirs ne serait donc pas si anachronique qu'il y paraît !
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      -> L'énigme indo-européenne :
    (inspiré de Patrick Jean-Baptiste dans Sciences & Avenir n°662 Avril 2002 p.60)
    Depuis la découverte par sir William Jones, magistrat à la cour suprême de Calcutta, en 1786, de mots très proches de l'anglais dans les textes sanscrits datant du IVème au VIème siècle de notre ère, la notion de langues indo-européennes est devenue un des domaines les plus importants, et souvent les plus dévoyés, des sciences humaines. De quoi s'agit-il ? D'une grande famille linguistique qui regroupe aujourd'hui le persan, l'hindi et pratiquement tous les idiomes d'Europe à l'exclusion du basque, du finnois, de l'estonien et du magyar.
    Par le passé, d'autres langues disparues comme les parlers celtiques nord-alpins, le latin en Italie, le hittite et le hourrite en Asie mineure ou le tokharien aux portes de la Chine appartenaient aussi à cette famille. Celle-ci se caractérise par la conservation troublante de certaines racines, par exemple roi, qui se dit rex en latin, rix en gaulois (Vercingétorix), raja en Inde, ou de conjugaisons verbales comme celle du verbe porter : I bear, thou bearest en anglais, bharami, bharasi en sanscrit, phero, phereis en grec, fero, fers en latin, biru, biris en vieil haut-allemand et bera, berasi en vieux slave.
    Pour expliquer l'extension géographique de cette famille de langues, les linguistes ont, dès le XIXème siècle, supposé qu'elle dérivait en fait d'une langue originelle parlée par un peuple au fabuleux destin : les Indo-Européens, parfois appelés, mais à tort, Aryens. L'étude attentive des écarts entre ces idiomes, notamment de l'adjonction de mots non indo-européens et de néologismes techniques présents dans certains et pas dans d'autres, a ensuite permis aux linguistes de dresser l'arbre généalogique de l'ensemble de la famille et les dates d'apparition de chacun de ses membres.
    D'après ce schéma classique réactualisé récemment par l'archéologue Marija Gimbutas, le hittite aurait été une des premières langues indo-européennes identifiées vers 2000 av. J.-C., suivie à l'est par l'indo-iranien, qui a donné le persan et l'hindi, et à l'ouest par le grec dès l'époque mycénienne (XVème siècle av. J.-C.) et, bientôt, la séparation supposée antérieure à l'âge du fer (VIIème siècle) des langues italiques (latin, sabin, etc.) et des langues celtiques qui nous intéressent ici. Ce schéma correspond point à point avec la théorie de la migration. Il est étayé par la découverte d'une culture homogène et ancienne des steppes d'Asie centrale qui apparaît vers le VIème millénaire av. J.-C. : la culture des Kourgan (tumulus funéraires). Le peuple des Kourgan, de langue indo-européenne, aurait atteint l'Europe orientale vers 4000 av. J.-C., puis se serait progressivement infiltré vers l'ouest à partir de 2500 av. J.-C. où il aurait remplacé les peuples non indo-européens de la culture des vases campaniformes. Les langues celtiques et italiques dériveraient de l'idiome de ces prétendus envahisseurs.
    Et pas seulement les langues. L'indo-européen aurait aussi été le véhicule de tout un ensemble de croyances et valeurs explicitées notamment par l'anthropologue français Georges Dumézil, au nombre desquelles la croyance en l'immortalité de l'âme, la division tripartite de la société entre la classe des prêtres, des guerriers et des producteurs, certains mythes. La découverte à Ribemont-sur-Ancre, dans la Somme, de véritables tours du silence rappelant celles des perses préislamiques et des parsis zoroastriens de Bombay en serait l'illustration flagrante... s'il ne s'agissait, en fait, que d'une simple coïncidence !
    Certains chercheurs, comme l'orientaliste John Brough, ont en effet tourné en dérision le travail de Dumézil en montrant que ces prétendues valeurs originales se retrouvaient par exemple dans la Bible, qui appartient à l'aire culturelle sémitique !
    Cette vision d'une extension indo-européenne à partir d'un foyer steppique est aujourd'hui largement remise en question. De nombreuses données archéologiques, notamment dans les régions danubiennes, semblent ne pas corroborer la thèse d'une migration dont il ne reste aucune trace probante. D'après Colin Renfrew, de l'université de Cambridge, il existe bien un foyer où était parlé l'ancêtre de toutes les langues indo-européennes. Mais il ne serait pas nécessaire d'imaginer un quelconque déferlement des hordes aryennes pour expliquer le succès de ces langues. Ce foyer se serait situé à l'est de la Turquie actuelle dès l'époque néolithique (9000 av. J.-C.). Grâce à l'invention de l'agriculture et du pastoralisme à quelques encablures de là, dans le Croissant fertile, les effectifs des populations indo-européennes auraient progressivement augmenté.
    Ce qui aurait provoqué leur très lente extension (quelques kilomètres seulement à chaque génération) vers le Bosphore d'un côté et l'Iran de l'autre. Aux alentours de 7000 av. J.-C., ces peuples auraient atteint l'Europe en assimilant ou en déplaçant progressivement vers l'ouest les peuples non indo-européens encore chasseurs-cueilleurs. Dans cette hypothèse, l'extension des langues indo-européennes suivrait très exactement celle de l'agriculture : 6000 av. J.-C. dans l'ouest méditerranéen, 5400 en Europe centrale, 3000 en Europe de l'Ouest et du Nord. Les langues celtiques se seraient donc développées au même endroit et à la même époque que la culture des vases campaniformes.
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      -> La Gaule est une création de César :
    (inspiré de Bernadette Arnaud & Christian Goudineau dans Sciences & Avenir n°662 Avril 2002 p.65)
    Christian Goudineau, professeur au Collège de France -pourfendeur d'idées reçues-, fait partie de ces chercheurs qui ont profondément renouvelé notre vision du monde gaulois, ces dernières années.
    ---
    Sciences & Avenir : Avec la découverte des rites insoupçonnés de Ribemont-sur-Ancre, dans la Somme, ou les sacrifices humains d'Acy-Romance, dans les Ardennes, n'est ce pas une image primitive et barbare des Celtes qui semble resurgir ?
    Christian Goudineau : Nous y voilà. Toujours la persistance de cette dualité civilisé/barbare. Une vision ancrée dans nos esprits depuis le XIXème siècle.
    C'est le problème du regard sur l'autre. Pensez aux Incas. Quelle image a-t-on d'eux ? Une civilisation extrêment brillante, une religion sophistiquée et qui, pourtant, pratique les sacrifices humains ! Dit-on des Incas qu'ils sont barbares ? La civilisation Carthaginoise, une des plus éblouissantes du monde antique, aurait considéré les Romains comme de vulgaires paysans arriérés. Il n'est d'ailleurs pas impossible que certains peuples de la Gaule aient éprouvé du rejet vis-à-vis des sacrifices d'Acy-Romance.
    On a affaire à une mosaïque de peuples qui ne sont pas tous arrivés au même moment. S'ils font partie d'une même famille, elle est quand même assez lointaine. Se comprenaient-ils seulement entre eux ? Et puis il ne faut pas oublier que les textes anciens à propos des Celtes sont rédigés par les conquérants. Résultat : une simplification de la réalité, assaisonnée de jugement moral.
    La Gaule, dites-vous dans votre dernier ouvrage ("Par Toutatis !", Christian Goudineau, Seuil, mars 2002), n'existe pas. C'est une création de César.
    Dans l'antiquité, les Grecs appelaient Celtes toutes les populations qui occupaient l'espace celtique, alors que les Romains les dénomment Galli, "Gaulois". Quand un Romain de l'époque de Cicéron parlait de Gaulois, il s'agissait pour lui de peuples qui allaient de l'Atlantique à la Hongrie. César le dit d'ailleurs : "Ceux qui, dans leur propre langue, s'appellent Celtes, nous les appelons Gaulois." Puis, lors de la Conquête, par une sorte de coup de force, il déclare: "J'appelle la Gaule l'espace que je viens de conquérir. Et de l'autre côté, ce n'est plus la Gaule, c'est la Germanie !" Alors que la civilisation est la même des deux côtés du Rhin - comme le prouvent les découvertes archéologiques -, il favorise l'idée de deux peuples différents, deux nations différentes. Bien plus tard, les mouvements nationalistes y puiseront une caution. Un non-sens historique qui va engendrer les horreurs des guerres du XXème siècle.
    Pour vous l'idée de nation s'est donc fondée sur un malentendu ?
    C'est à l'époque de la Révolution Française que l'idée de nation sera associée à celle d'un peuple descendant des Gaulois. La noblesse et le Roi représentent la dynastie franque. Donc, le peuple descend des Gaulois. Et il doit recouvrir exactement le territoire qu'il avait dans l'antiquité, territoire qui s'étend jusqu'au Rhin, comme l'a dit César.
    A partir de là, va naître un intérêt pour les Gaulois, dont on faisait fort peu de cas jusque là. Alors la fierté dynastique, celle des rois, a sombré, émerge une fierté populaire autour de ces ancêtres celtes conquérants qui ont envahi l'Itale... Ils sont forts ces Gaulois !
    Il y a toute une imagerie fantasmatique qui se fait alors jour...
    La vaillance, l'indiscipline des Gaulois... Leur fraîcheur, leur spontanéité, leur poésie... alors que les Romains représentent la rigueur, l'administration -mais aussi la paix. L'esprit de gauloiserie c'est la force, le courage. D'ailleurs regardez le titre publié ces jours-ci : "Chirac le Gaulois" ! Traduction : sympa, bon vivant mais râleur.
    Un autre mythe qui a de beaux jours, c'est celui d'une Gaule arriérée par rapport à l'Empire romain...
    Le pire. L'inexactitude totale. La Gaule est extrêmement riche. Rien à voir avec des bandes de sauvages chevelus vivant dans de sombres forêts... Au IIème siècle av. J.-C., on peut même parler d'espace économique. Il y a des échanges commerciaux inouïs avec Rome et l'Italie. Une monnaie. Bien avant la Conquête, une partie de la Gaule est dèjà économiquement dans l'orbite italienne. Les Eduens sont alliés des Romains depuis la fin de IIIème siècle av. J.-C. Ils n'ont pas attendu la Conquête ! Conquête qui n'est pas dénuée d'intérêts économiques. Avec les armées de César se déplaçaient les plus grands négociants d'Italie, comme aujourd'hui les chefs d'Etat le font avec leurs capitaines d'industrie...
    Rome vend son vin et la Gaule exporte ses matières premières, avec au tout premier rang, le commerce des esclaves...
    C'est en effet le principal trafic. Bien loin devant l'or, l'étain, le sel ou le bétail ! Du vin contre des esclaves ! D'ailleurs tout cela est déjà notoire lors de la grande révolte de Spartacus, vers 72 av. J.-C. Saluste écrit qu'à la tête des centaines de milliers d'esclaves qui mettent en déroute les légions romaines, la plupart des chefs sont des Celtes. Ce qui explique peut-être les grands mouvements sociologiques qui se développent avant l'arrivée de César. Car dès qu'il y a pratique de la "traite" au sein d'une société, cela provoque des fractures. D'abord ce sont les prisonniers de guerre, puis viennent les criminels et, comme il n'y a jamais assez d'esclaves, les coups de main sur les peuples voisins.
    Qui sont les gens qui vivent dans l'espace géographique que César a baptisé du nom de Gaule ?
    Des agriculteurs, des artisans, des guerriers, des commerçants... César a très bien décrit la structure interne à chaque peuple. Une classe privilégiée, la noblesse, qu'il appelle en fait "les chevaliers" - ceux qui montent à cheval. La fine fleur... Des guerriers qui peuvent également être druides. Et, en dessous, le peuple. Selon l'empereur romain, celui-ci connaît la même situation que les esclaves d'Italie. Probablement quelque chose d'assez proche du système féodal à venir.
    Un guerrier peut donc être aussi un druide ?
    Absolument, et cela il faut bien le comprendre. Il n'y a pas de classe précise pour les religieux ! C'est au sein de la noblesse qu'ils se trouvent. Un druide peut tout autant être chargé des archive, servir d'ambassadeur ou encore procéder à des sacrifices. C'est comme en Grèce ou à Rome d'ailleurs. Il ne s'agit pas de prêtres "professionnels". Ce sont des magistrats qui exercent des prêtrises, car la religion, finalement, demeure un acte politique Un accord entre un peuple et des dieux.
    Nous évoquions des fantasmes. Les druides en ont alimenté beaucoup...
    Tout ça part du sud de l'Angleterre, quand on a redécouvert et réinterprété les grands monuments comme Stonehenge. Des monuments néolithiques bien sûr. Mais l'époque ignore les temps préhistoriques, et les associations simplistes fleurissent : la lune, les dolmens, les druides... Tout cela est tellement ancré dans l'esprit des gens qu'il est particulièrement difficile de leur faire compendre qu'il s'agit d'une totale fantasmagorie.
    Nous nageons en pleine "celtomania" ?
    Il faut bien distinguer deux choses. Les Celtes qui, venant des îles Britaniques vers les VIème siècle et VIIème siècle ap. J.-C., se sont installés en Armorique, appelée depuis Bretagne : ils transmettent bien des siècles plus tard une culture qui a été épargnée par la conquête romaine, laquelle n'a jamais atteint les confins des terres britaniques.
    C'est à partir de ce mouvement, tant au pays de Galles qu'en Irlande, que se sont développés un certain nombre d'oeuvres d'art, littéraires, lesquelles ont inspiré, et inspirent toujours aujourd'hui, des mouvements poétiques et musicaux tout à fait légitimes, avec une véritable validité historique. En revanche, tout ce que l'on veut attribuer aux autres Celtes, c'est-à-dire à ceux d'avant Jules César, relève de la pure fantasmagorie. Il n'existe aucune continuité historique. Le poids de Rome a été tel qu'il a balayé ce monde.
    Mais il faut bien avouer que la plupart du temps ces "celtomaniaques" sont des braves gens qui font du folklore, et qui ont cette excuse pour ripailler entre eux...
    N'y a-t-il pas une récupération des thèmes celtiques par une frange extrémiste ?
    Après la guerre de 1870, on a beaucoup vitupéré contre l'Empire romain en l'associant à l'Empire allemand. Pour faire bref, Bismarck, c'est César. L'Empire romain a extirpé la liberté des Gaulois. Les a avachis. Obligés à obéir. Le raccourci est rapide. Ressuscitons les Gaulois, ressuscitons l'âme Celte ! C'est à partir de là qu'apparaissent les extrémismes. Vercingétorix tombe à pic. Tout le monde veut le récupérer. Héros républicain, mais aussi celui de Boulanger, comme du régime de Vichy.
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